Principes de Paris
Principes directeurs relatifs aux enfants associés
aux forces armées ou aux groupes armés
(Paris, février 2007)

1.Introduction
1.0
Des centaines de milliers d’enfants sont associés aux forces
armées et aux groupes armés à travers le monde. Des filles
et des garçons sont employés de diverses manières, jouant
des rôles d’appui - cuisiniers ou porteurs, par exemple - ou
participant activement aux combats, posant des mines ou
espionnant, les filles étant souvent employées à des fins
sexuelles. Ce recrutement et cette utilisation d’enfants
violent leurs droits et leur causent un préjudice physique,
affectif, mental et spirituel et nuit à leur développement.
1.1
Le recrutement et l’utilisation d’enfants par les forces
armées et les groupes armés ont retenu toute l’attention de
la communauté internationale, qui a largement condamné ces
pratiques. Or, les enfants continuent d’être utilisés dans
les guerres d’adultes ou ils peuvent être tués ou blessés et
rendus invalides. La libération et la réinsertion dans la
vie civile d’un grand nombre de ces enfants ont été
facilitées par des interventions et des programmes
d’assistance, mais d’autres sont rentrés chez eux par leurs
propres moyens, pour se retrouver souvent confrontés à un
avenir incertain et contraints de lutter pour se faire
accepter par leur famille et leur communauté. Les filles, en
particulier, sont souvent montrées du doigt, voire rejetées
par leur communauté si celle-ci sait qu’elles ont été
employées par une force armée ou un groupe armé et le rejet
de leurs enfants peut être encore plus complet. D’autres
enfants sont poussés par leur famille et leur communauté à
participer à un conflit armé, en dépit du danger et du
préjudice qui y sont associés. Malgré ce qu’ils ont vécu,
ces enfants sont capables d’adaptation et de résilience. Ils
peuvent réussir leur vie s’ils reçoivent l’aide, le soutien
et les encouragements dont ils ont besoin.
Genèse
des Principes directeurs
1.2
Près de 10 ans après leur adoption, l’UNICEF a entrepris de
procéder à un examen global des “Principes du Cap concernant
la prévention du recrutement d’enfants dans les forces
armées, et la démobilisation et la réinsertion sociale des
enfants soldats en Afrique” (“les Principes du Cap”). Les
Principes du Cap ont été adoptés en 1997 à l’issue d’un
colloque organisé par l’UNICEF et le Groupe de travail des
ONG pour la Convention relative aux droits de l’enfant en
vue de formuler des stratégies de prévention du recrutement
d’enfants, de démobilisation des enfants soldats et
d’assistance à ces enfants aux fins de leur réinsertion dans
la société. Acceptés bien au-delà du groupe original, ces
Principes ont pris valeur de norme inspirant l’élaboration
des règles et de la législation internationales ainsi que
l’évolution des orientations aux niveaux national, régional
et international.
1.3
Les connaissances tirées d’une expérience multiple et
diversifiée dans ce domaine depuis 1997 ont conduit à
adopter une approche plus locale et exhaustive. On relève
une prise de conscience des multiples aspects de
l’utilisation d’enfants par les forces armées ou les groupes
armés et de la complexité du problème et de ses causes
profondes. En même temps que les faits nouveaux constitués,
par exemple, par l’inclusion du recrutement d’enfants de
moins de 15 ans dans la liste des crimes de guerre figurant
dans le Statut de la Cour pénale internationale et
l’apparition d’une jurisprudence dans ce domaine, ces
facteurs ont sensibilisé à la nécessité de mettre à jour les
Principes du Cap et de les faire approuver au-delà de la
sphère des acteurs spécialisés dans la défense des droits
des enfants.
1.4
L’UNICEF a procédé avec ses partenaires à un réexamen de
grande ampleur, qui a donné lieu à sept examens régionaux,
dont certains ont été réalisés dans le cadre d’ateliers
régionaux ou sous-régionaux, organisés en 2005 et 2006. Il a
été convenu d’établir deux documents, le premier étant un
document succinct - Les Engagements de Paris relatifs à la
protection des enfants contre le recrutement ou
l’utilisation illicites par les forces armées ou les groupes
armés (“les Engagements de Paris”) et le présent document,
complémentaire, intitulé Les Principes directeurs relatifs
aux enfants associés aux forces armées et aux groupes armés
(« Les Principes de Paris »), qui contient des indications
plus détaillées pour les personnes chargées d’exécuter les
programmes. Les documents ont été établis en consultation
avec un groupe de référence composé des représentants
d’organisations très diverses. Le consensus final a été
obtenu au cours d’une réunion qui s’est tenue en octobre
2006 à New York et a rassemblé les organisations de mise en
œuvre, les experts et les autres parties intéressées du
monde entier. Une réunion ministérielle tenue en février à
Paris a permis d’obtenir pour les Engagements de Paris le
soutien politique d’un grand nombre d’États.
Description générale des Principes directeurs
1.5
S’appuyant sur le droit et les normes internationaux et sur
les Principes du Cap originaux, le présent document intègre
les connaissances et les enseignements tirés et, en
particulier, met en exergue les modalités informelles selon
lesquelles des garçons et des filles s’associent aux forces
armées et groupes armés et les quittent. Adoptant une
approche du problème des enfants associés aux forces armées
ou groupes armés fondée sur les droits de l’enfant, les
Principes directeurs montrent à quel point il est essentiel,
du point de vue humanitaire, de faire en sorte que les
enfants puissent quitter sans conditions les forces armées
ou groupes armés à tout moment, même au plus fort d’un
conflit et pour toute la durée de ce conflit.
1.6
Les Principes directeurs considèrent que, dans les
situations de conflit armé, les Etats et les groupes armés
ont la responsabilité principale de la protection des civils
sous leur contrôle et que, lorsqu’ils ne peuvent ou ne
veulent pas s’acquitter de l’intégralité de leurs
responsabilités humanitaires, ils sont tenus d’habiliter des
acteurs impartiaux à mettre en oeuvre une action
humanitaire.
1.7
Les Principes directeurs s’appuient sur les enseignements
ci-après tirés de l’expérience accumulée au plan mondial
dans le domaine des interventions au titre des programmes
destinées à prévenir le recrutement d’enfants, à protéger
les enfants, à les aider à quitter les forces armées ou
groupes armés et à les réinsérer dans la vie civile :
1.7.0
La nature exacte du problème et sa solution varient selon le
contexte. Une analyse de la situation, et notamment une
analyse sexospécifique, doit inspirer et guider toutes les
interventions ;
1.7.1
Quelle qu’elle puisse être, la solution doit répondre aux
besoins de tous les enfants touchés par les conflits armés
et faire place à des activités permettant de développer et
d’appuyer la capacité locale d’instaurer un environnement
protecteur pour les enfants ;
1.7.2
L’environnement protecteur doit intégrer des mesures visant
à prévenir la discrimination à l’égard des filles, dont
l’utilisation dans les conflits armés, pour systématique
qu’elle soit, n’est souvent pas reconnue, et à promouvoir
l’égalité de leur statut dans la société ;
1.7.3
Il est indispensable que tous les acteurs prennent
l’engagement à long terme de prévenir le recrutement et
l’usage illégaux d’enfants, de les aider à quitter les
forces ou groupes armés, de les protéger et d’appuyer leur
réinsertion ;
1.7.4
La famille, qui s’étend à la famille élargie, au clan et à
la communauté, doit être activement associée à l’élaboration
et à l’exécution des interventions et activités, et elle
doit participer à la recherche de solutions.
1.8
Pour que les solutions soient viables, la protection de
l’enfant doit être une préoccupation commune à tous les
programmes humanitaires et de développement, ce qui requiert
une coordination stratégique axée sur l’enfant entre les
acteurs de la société civile et les responsables des actions
humanitaires et d’urgence, des opérations de maintien de la
paix, du développement et de la reconstruction. Afin de
s’attaquer aux causes profondes du recrutement d’enfants et
de tenir compte de la nature évolutive de la plupart des
conflits armés et de la nécessité de prendre des mesures en
faveur des enfants avant même que le conflit ne prenne fin,
il convient de préparer une intervention stratégique
appropriée, pouvant compter sur un financement adéquat, dès
que la possibilité du recrutement illégal ou de
l’utilisation illégale d’enfants par les forces armées ou
des groupes armés est établie, ce pour l’immédiat et pour le
moyen et le long termes. Les acteurs du développement, quant
à eux, doivent s’impliquer à un stade aussi précoce que
possible dans des stratégies de prévention du recrutement
illégal d’enfants et de réinsertion des enfants recrutés
dans la vie civile.
Objectif
des principes directeurs
1.9
Fruits de l’expérience et des
connaissances accumulées un peu partout dans le monde, les
présents Principes directeurs visent tant à favoriser une
plus grande cohérence des programmes qu’à appuyer et
promouvoir les pratiques recommandables.
Portée et
destinataires
1.10
Les Principes directeurs ont été élaborés par un large
éventail d’acteurs, sur le comportement desquels ils se
proposent d’influer : États (ceux des pays touchés comme
ceux des pays donateurs), acteurs des droits de l’homme,
acteurs humanitaires, acteurs du développement, responsables
militaires et responsables de la sécurité (étatique ou non),
organisations associées, parmi lesquelles les organismes des
Nations unies, d’autres acteurs intergouvernementaux, des
organisations nationales et des organisations
internationales, et des associations locales. Certains de
ces acteurs ont un mandat ou un rôle spécifique vis-à-vis
des enfants, mais ils ont tous un rôle à jouer et des
responsabilités étendues en ce qui concerne les droits et le
bien-être des enfants associés aux forces armées ou aux
groupes armés.
1.11
Les présents Principes directeurs entendent inspirer toutes
les interventions concernant la protection et le bien-être
de ces enfants et contribuer à la prise de décisions de
politique générale et de programmation. Les Principes visent
à guider les interventions avec les objectifs suivants :
1.11.1
de prévenir le recrutement et l’usage illégaux des enfants ;
1.11.2
de faciliter la libération des enfants associés aux forces
armées et aux groupes armés ;
1.11.3
de faciliter la réinsertion de tous les enfants associés aux
forces armées et aux groupes armés ;
1.11.4
d’assurer l’environnement
le plus protecteur possible pour tous les enfants.
1.12
Sans se dissimuler qu’aucun ensemble de ‘pratiques
optimales’ ne saurait s’appliquer à tous les contextes, les
présents Principes directeurs sont conçus pour servir de
cadre et pour regrouper les idées et les approches qui se
sont révélées payantes à travers le monde.
1.13
Les Principes directeurs doivent être mis à profit en même
temps que d’autres sources d’information ; les modules sur
les enfants, les jeunes et les sexospécificités des Normes
intégrées de désarmement, démobilisation et réinsertion de
l’ONU fournissent des indications complètes, s’agissant en
particulier des enfants qui participent à un processus
officiel de “désarmement, démobilisation et réinsertion”
(DDR).
1.14
Les Principes directeurs et les
Engagements de Paris sont également conçus pour aider les
Etats et les donateurs à remplir leurs obligations et à
prendre des décisions en matière de financement. La
compatibilité des Principes avec le droit international
applicable a fait l’objet d’une attention particulière,
notamment la législation sur l’âge minimum du recrutement.
Tout en reconnaissant que les États peuvent souscrire à des
obligations différentes en droit international, les acteurs
de protection de l’enfant vont, dans leur majorité,
continuer à plaider pour qu’ils s’efforcent de relever l’âge
minimum pour toute forme de recrutement ou d’utilisation à
18 ans, en toutes circonstances.
2.Définitions
Aux fins des
présents Principes directeurs :
2.0
Un “enfant” est toute personne âgée de moins de 18 ans,
conformément à la Convention relative aux droits de
l’enfant.
2.1
Un “enfant associé à une force armée ou à un groupe armé”
est toute personne âgée de moins de 18 ans qui est ou a été
recrutée ou employée par une force ou un groupe armé,
quelque soit la fonction qu’elle y exerce. Il peut s’agir,
notamment mais pas exclusivement, d’enfants, filles ou
garçons, utilisé comme combattants, cuisiniers, porteurs,
messagers, espions ou à des fins sexuelles. Le terme ne
désigne pas seulement un enfant qui participe ou a participé
directement à des hostilités.
2.2
Les “forces armées” sont des forces armées nationales d’un
État.
2.3
Les “groupes armés” sont des groupes distincts des forces
armées au sens de l’article 4 du Protocole facultatif à la
Convention relative aux droits de l’enfant concernant
l’implication d’enfants dans les conflits armés.
2.4
Le “recrutement ” est la
conscription ou l’incorporation obligatoire, forcée ou
volontaire d’enfants dans une force armée ou un groupe armé
de quelque nature que ce soit.
2.5
Le « recrutement illégal" et
"l’utilisation illégale » sont soit le recrutement soit
l’utilisation d’enfants en dessous de l’âge stipulé dans les
traités internationaux ou la loi nationale qui s’appliquent
à la force/groupe armé concerné.
2.6
La “libération” est à la fois
le processus officiel et contrôlé de désarmement et de
démobilisation d’enfants recrutés dans une force armée ou un
groupe armé, et les modalités informelles selon lesquelles
les enfants quittent la force armée ou le groupe armé par la
fuite, la capture ou par tout autre moyen. Elle implique une
rupture de l’association avec la force armée ou le groupe
armé et le début du passage de la vie militaire à la vie
civile. La libération peut intervenir pendant une situation
de conflit armé ; elle ne dépend pas de la cessation
temporaire ou permanente des hostilités. Elle n’est pas
subordonnée à la possession par les enfants d’armes à
confisquer.
2.7
Le “désarmement” [1] est la collecte, la documentation, le
contrôle et l’élimination des armes de petit calibre, des
munitions, des explosifs et des armes légères et lourdes des
combattants et, souvent également, de la population civile.
Le désarmement comprend également l’élaboration de
programmes de gestion responsable des armes.
2.8
La “réinsertion de l’enfant » est le processus permettant
aux enfants d’opérer leur transition vers la vie civile en
assumant un rôle positif et une identité civile acceptés par
leur famille et leur communauté dans le cadre d’une
réconciliation locale et nationale. La réinsertion est
durable lorsque les conditions politiques, juridiques,
économiques et sociales dont dépendent la survie, la
subsistance et la dignité des enfants sont réunies. Ce
processus vise à garantir aux enfants la possibilité
d’exercer leurs droits, parmi lesquels l’éducation formelle
et non formelle, l’unité de la famille, les moyens d’une
existence digne et le droit d’être à l’abri du danger. 2.9
Par Le “processus officiel de DDR” [2]on entend la
libération officielle et contrôlée des combattants actifs de
forces armées ou d’autres groupes armés. La première étape
de la démobilisation peut s’étendre du traitement des
combattants dans des centres temporaires jusqu’à la
concentration de troupes dans des camps désignés à cette fin
(sites de cantonnement, camps, zones de regroupement ou
casernes). La deuxième étape de la démobilisation comprend
la fourniture de moyens d’appui aux démobilisés, que l’on
appelle la réinsertion.
3.Principes fondamentaux
Principes
généraux
Préambule
3.0
Toute une série d’instruments internationaux, régionaux et
nationaux reconnaissent à tous les enfants le droit d’être
protégés et pris en charge. L’instrument de droits de
l’homme le plus ratifié est la Convention relative aux
droits de l’enfant de 1989. L’Etat a la responsabilité
principale de la protection de tous les enfants relevant de
sa juridiction. Toutes les interventions visant à prévenir
le recrutement ou l’utilisation d’enfants, à obtenir la
libération d’enfants qui ont été associés à une force armée
ou à un groupe armé, à protéger ces enfants et à les
réinsérer doivent reposer sur une approche fondée sur les
droits de l’enfant, impliquant qu’elles doivent s’inscrire
dans la perspective du respect des droits de l’homme. Des
moyens financiers doivent être mis au service de ces
programmes, conformément aux droits et besoins des enfants,
que le processus de paix soit officiel ou non ou quel que
soit l’état d’avancement du processus officiel de DDR
concernant les adultes.
Non-discrimination [3] 3.1 La discrimination peut prendre
des formes diverses : elle peut être fondée sur le sexe,
s’exercer entre groupes vulnérables au moment de la
réinsertion ou entre enfants qui ont été associés à des
forces armées ou groupes armés différents, ou être liée à
des définitions sociales telles que l’appartenance ethnique,
la religion, l’invalidité ou la caste.
3.2
Les filles et leurs enfants :
Il importe de prendre des mesures préventives garantissant
la participation et l’inclusion pleines et entières des
filles à tous les aspects de la prévention du recrutement,
de la libération et de la réinsertion, et les services
doivent toujours répondre à leurs besoins spécifiques en
matière de protection et d’assistance. Les personnes
chargées d’identifier et d’aider les filles concernées
doivent veiller tout particulièrement à ne pas aggraver la
situation de ces dernières en attisant la réprobation
suscitée par leur implication. Il est essentiel que les
interventions prévues répondent aux besoins particuliers en
matière de protection et de soutien à la fois des filles
mères et des enfants auxquels elles ont donné naissance
après avoir été recrutées par une force armée ou un groupe
armé.
3.3
Réinsertion : Les mesures de réinsertion des enfants dans
la vie civile ne doivent pas ostraciser les enfants qui ont
été recrutés ou utilisés ni établir une distinction négative
quelconque entre ces enfants et ceux qui n’ont pas été
recrutés ou utilisés, ou entre les enfants qui l’ont été à
titre temporaire ou pendant de courtes périodes et ceux qui
l’ont été à titre permanent ou pendant des périodes plus
longues. Par ailleurs, le fait de désavantager les autres
enfants vulnérables qui n’ont pas été associés à une force
armée ou à un groupe armé par rapport à ceux qui l’ont été
nuit à tous les enfants touchés par les conflits.
Intérêt
supérieur de l’enfant
3.4.0
On veillera en priorité à obtenir la libération des enfants
recrutés dans les forces armées ou groupes armés, à
organiser leur réinsertion et à prévenir le recrutement et
le re-recrutement d’enfants. Les interventions nécessaires
ne doivent pas être subordonnées ou liées d’une façon
quelconque à l’état d’avancement du processus de paix. C’est
l’intérêt supérieur de ces enfants qui doit déterminer
l’adoption de toutes les mesures à prévoir aux fins de leur
libération et de la protection et de la prévention du
recrutement de tous les enfants.
3.4.1
La prévention du recrutement, la libération, la protection
et la réinsertion sont interdépendantes et indissociables.
La recherche de solutions durables au problème de
recrutement ou de l’utilisation d’enfants par les forces
armées ou groupes armés et les mesures prises pour prévenir
la résurgence de ce phénomène ne doivent exclure aucun
enfant touché par un conflit armé et doivent réagir aux
autres violations flagrantes des droits des enfants
punissables en vertu du droit international applicable ou de
la législation des pays concernés.
Les
enfants et la justice
Traitement des personnes accusées d’avoir violé les droits
des enfants
3.5
Les mécanismes judiciaires mis en place après les conflits
ou mécanismes de justice transitionnelle doivent
s’intéresser de près aux personnes soupçonnées d’avoir
commis contre les enfants des crimes de droit international.
On veillera à n’inclure dans les accords de paix ou de
cessez-le-feu aucune disposition prévoyant l’amnistie pour
les crimes de droit international, notamment ceux commis
contre des enfants.
Traitement des enfants accusés d’avoir commis des crimes de
droit international
3.6
Les enfants accusés d’avoir commis des crimes de droit
international alors qu’ils étaient associés à des forces
armées ou à des groupes armés doivent être considérés
principalement comme les victimes d’atteintes au droit
international, et non pas seulement comme les auteurs
présumés d’infractions. Ils doivent être traités d’une façon
conforme au droit international, dans un cadre de justice
réparatrice et de réinsertion sociale, conformément au droit
international, qui offre une protection particulière à
l’enfant à travers de nombreux accords et principes. 3.7
Chaque fois que possible, on veillera à recourir à des
méthodes autres que les poursuites judiciaires, conformément
à la Convention relative aux droits de l’enfant et aux
autres normes internationales applicables à la justice pour
mineurs. Pacte international relatif aux droits civils et
politiques (entré en vigueur en 1976), Ensemble de règles
minima des Nations Unies concernant l’administration de la
justice pour mineurs [5] . 3.8 Il y a lieu, lorsque des
mécanismes d’enregistrement de la vérité et de
réconciliation sont mis en place, d’appuyer et d’encourager
la participation des enfants, et de protéger leurs droits
tout au long du processus. Leur participation doit être
volontaire et on veillera à obtenir le consentement, donné
en connaissance de cause, à la fois, si possible, de
l’enfant et de son parent ou tuteur, le cas échéant. Des
procédures particulières devraient être mises en place pour
permettre de minimiser la détresse de l’enfant.
Le droit
à la vie, à la survie et au développement
3.9
Ni la peine capitale ni l’emprisonnement à vie sans
possibilité de libération ne doivent être prononcés contre
une personne reconnue coupable d’un crime de droit
international ou d’une infraction à la législation nationale
si elle est âgée de moins de 18 ans. [7]
3.10
Par ailleurs, les programmes et
politiques élaborés en faveur des enfants associés à des
forces armées ou à des groupes armés doivent s’inscrire dans
la perspective du développement de l’enfant. À ce titre, il
convient d’analyser la façon dont les relations des enfants
avec les personnes qui leur sont chères ont été affectées
par leur expérience et l’influence exercée par cette
expérience sur l’évolution de leurs propres capacités. La
prise en compte du développement de l’enfant doit toujours
être l’occasion de prendre la mesure des capacités et des
ressources qu’il peut mettre au service de sa survie et de
la maîtrise de ses difficultés.
Le droit
de l’enfant de quitter les forces armées ou les groupes
armés
3.11
Le recrutement ou l’utilisation illégaux d’enfants par des
forces armées ou des groupes armés étant une violation de
leurs droits, les activités de prévention de ces pratiques
doivent être menées en permanence. Il faut s’employer à tout
moment à libérer, protéger et réinsérer ces enfants
illégalement recrutés et utilisés, sans conditions et sans
faire dépendre ces activités d’un processus parallèle de
libération ou de démobilisation des adultes.
3.12
Lorsque des processus officiels de désarmement, de
démobilisation et de réinsertion (DDR) sont engagés, il
convient de prendre des dispositions spéciales en faveur des
enfants. Toutefois, l’absence d’un processus de DDR officiel
ne doit pas faire obstacle aux activités visant à libérer
les enfants recrutés ou employés par des forces armées ou
des groupes armés. Ces activités peuvent requérir ou
comporter des négociations séparées avec les forces armées
ou groupes armés qui soient sans rapport avec les objectifs
plus généraux liés à la réforme du secteur de la sécurité ou
à d’autres négociations officielles. Lorsqu’un processus
officiel a été engagé, on veillera à établir des liens
permettant de mettre en place un soutien coordonné et global
à la réinsertion des enfants dans leur communauté.
3.13
On s’efforcera de plaider - selon le mandat de chacun - pour
que les forces armées ou les groupes armés ayant recruté ou
utilisé des enfants en violation du droit international n’en
tirent pas avantage à l’occasion des négociations de paix et
des réformes du secteur de la sécurité.
Participation de l’enfant et respect de ses opinions 3.14
Les communautés concernées, y compris les enfants, doivent
participer à toutes les phases des activités d’examen
préalable, de planification, d’exécution et d’évaluation des
programmes visant à prévenir l’association d’enfants avec
les forces armées ou des groupes armés, à obtenir la
libération de ceux qui y sont associés, à leur fournir une
protection et à les réinsérer dans la vie civile. On
veillera en toutes circonstances à solliciter les opinions
des enfants et celles des familles et des communautés qu’ils
vont retrouver.
Principes
opérationnels. Préambule
3.15
La réinsertion des enfants dans
la vie civile est le but ultime du processus de libération
des enfants recrutés ou employés par des forces armées ou
des groupes armés. La planification de la réinsertion doit
guider toutes les phases du processus et doit commencer au
stade le plus précoce possible.
Responsabilisation et transparence
3.16
Les acteurs qui se proposent de soutenir les enfants qui
sont ou ont été associés à des forces armées ou à des
groupes armés et d’empêcher que d’autres enfants ne se
trouvent dans cette situation doivent faire en sorte que
leur intervention s’appuie sur les droits de l’enfant et les
principes humanitaires, que les normes minimales des
programmes soient respectées et que des systèmes de
responsabilisation soient mis en place. [8]
3.17
Une condition de recrutement
pour les personnes appelées à travailler avec des enfants
est d’être informées de la nécessité de se familiariser et
de se conformer avec les codes de conduite de leurs
organisations respectives concernant directement ou
indirectement la protection des enfants [9]. Les
responsables de la protection des enfants et les autres
responsables doivent diffuser ces normes et, si possible,
offrir une formation aux organisations partenaires et à tous
les autres individus ou groupes travaillant avec les
enfants, parmi lesquels les bénévoles, les associations
locales ou les groupes confessionnels. Il convient de créer
et d’utiliser des mécanismes de surveillance et de
notification des violations et des mécanismes tendant à
faire rendre des comptes aux auteurs desdites violations.
[10] De plus, les violations de ces codes de conduite qui
constituent également des infractions pénales en droit
national doivent être signalées aux services chargés de
faire respecter la loi.
Programmation en fonction du contexte
3.18
Les stratégies et les programmes doivent s’appuyer sur une
analyse exhaustive du contexte politique, social, économique
et culturel, doublée d’une analyse des sexospécificités.
L’analyse exhaustive doit porter sur les menaces, les
déficits et les points faibles, ainsi que sur les
perspectives, les capacités et les ressources. Une telle
analyse doit indiquer les raisons pour lesquelles des
enfants ont été ou pourraient se trouver associés à des
forces armées ou à des groupes armés, et recenser les moyens
de remédier à la situation constatée. De même, il faut
entreprendre une analyse exhaustive des motivations des
personnes qui recrutent ou utilisent des enfants.
3.19
Une analyse de risque complète doit permettre de faire en
sorte que les enfants, familles et communautés bénéficiant
de l’aide des programmes ne courent pas un plus grand risque
du fait même qu’ils sont parties prenantes d’un programme
quel qu’il soit.
3.20
Il convient d’adopter une approche régionale ou
sous-régionale, en particulier lorsque les conflits
s’étendent au-delà des frontières internationales, afin
d’empêcher que des enfants ne soient illégalement recrutés
ou re-recrutés dans des forces armées ou des groupes armés
dans les pays ou des conflits voisins ou que ne soient
commises d’autres types de violations des droits des enfants
à travers ces frontières.
Renforcement des capacités
3.21
Les programmes doivent toujours exploiter, appuyer et
développer les actions et capacités régionales, nationales,
locales et communautaires en vue d’empêcher le recrutement
et l’utilisation illégaux d’enfants par des forces armées ou
des groupes armés, d’appuyer la libération et la réinsertion
des enfants qui se trouvent dans cette situation et de
protéger tous les enfants.
3.22
Il faut être bien conscient que
les communautés, et en particulier les femmes et les
adolescentes, sont souvent déjà accablées de
responsabilités. On veillera toujours à associer la
communauté à la planification des programmes pour s’assurer
que cette communauté bénéficie d’un appui suffisant pour
pouvoir prendre en charge les enfants ayant quitté les
forces armées ou groupes armés et empêcher que d’autres
enfants ne se retrouvent associés à des forces armées ou
groupes armés.
Financement
et autres formes d’appui aux fins de la prévention du
recrutement et de l’utilisation illégaux d’enfants et de la
libération et de la réinsertion des enfants recrutés
3.23
Il convient de mettre des moyens financiers à la disposition
des responsables de la protection des enfants à un stade
aussi précoce que possible et indépendamment de l’état
d’avancement du processus de paix officiel ou non pouvant
avoir été engagé et de la planification officielle de la DDR
pouvant avoir démarré. Les fonds doivent rester disponibles,
quels que soient les progrès ou l’état d’avancement des
processus officiels de paix et de DDR.
3.24
Des fonds doivent être rendus disponibles pour les activités
exécutées au sein des communautés en faveur d’un large
éventail d’enfants touchés par les conflits. Les activités
de réinsertion doivent, dans toute la mesure possible,
éviter d’établir une distinction entre les enfants ayant été
associés à une force armée ou à un groupe armé et les autres
enfants vivant dans les communautés dans lesquelles ils se
réinsèrent.
3.25
Il convient de prévoir des
mesures destinées à remédier, autant que faire se peut, aux
conséquences négatives pour les enfants de leur association
avec une force armée ou un groupe armé, ces conséquences
pouvant être d’ordre physique, affectif ou spirituel ou
encore nuire à leur développement. La réinsertion est un
processus de longue durée qui suppose un engagement à long
terme des États, épaulés ou assistés par les responsables de
la protection des enfants et les donateurs. Les moyens
financiers doivent donc être disponibles pendant tout le
temps nécessaire à la pleine réinsertion des enfants qui ont
été illégalement recrutés et employés. Ce financement doit
être souple et permettre aux programmes de mieux répondre
aux besoins exprimés par les filles et les garçons et aux
besoins des responsables de ces activités en matière de
renforcement des capacités. Les programmes de réinsertion
doivent faire à un stade le plus précoce possible leur
jonction avec les autres programmes et acteurs du
développement afin de renforcer les capacités locales et
nationales en matière de soutien à plus long terme à ces
enfants et à leur communauté.
Coordination, collaboration et co-opération 3.26 La
communication, la coopération, la coordination, le partage
de l’information et la transparence entre toutes les parties
- depuis l’échelon communautaire jusqu’aux institutions
nationales et aux organisations internationales - appelées à
prévenir l’association d’enfants avec des forces armées ou
des groupes armés et à appuyer la libération de ceux qui
leur ont été associés, à protéger les enfants et à les
réinsérer sont indispensables en toutes circonstances. Ceci
doit être fait en accord avec les mandats et modalités de
mise en œuvre propres à chaque organisation.
3.27
Les responsables de l’exécution des programmes en faveur des
enfants qui sont ou ont été associés aux forces armées ou à
des groupes armés doivent coordonner leur action en créant
et en gérant un groupe inter-organisations au sein duquel,
notamment, les rôles et responsabilités sont arrêtés en
commun et spécifiés, la collaboration éventuelle est
planifiée, les approches en matière de politiques et de
programmes sont définies et les protocoles de partage de
l’information sont mis au point en assurant que les
modalités d’intervention de chacun soient comprises et
prisent en comptes.
3.28
L’UNICEF et ses partenaires, œuvrant de concert avec les
ministères et d’autres entités investies d’une mission de
protection de l’enfant, parmi lesquelles les responsables de
la protection de l’enfant, doivent fournir un appui aux
États concernés en mettant à leur disposition les
compétences techniques et opérationnelles requises et en
donnant des impulsions en matière de prise de décisions et
d’exécution de programmes de prévention du recrutement, de
libération, de démobilisation et de réinsertion en faveur
des enfants qui sont ou ont été recrutés ou utilisés
illégalement par des forces armées ou des groupes armés.
Confidentialité Partage de l’information
3.29
La protection des enfants et de leur famille exige que soit
respecté le caractère confidentiel des informations
personnelles concernant des violations des droits des
enfants que sont, notamment, le recrutement et l’utilisation
illégaux par des forces armées ou des groupes armés. Des
systèmes inter organisations de gestion de l’information
doivent être mis en place de façon concertée par l’ensemble
des responsables de l’exécution des programmes qui
recueillent des informations, compte tenu de la nécessité de
protéger les enfants et de rendre possible des interventions
efficaces en leur faveur. Les règles de confidentialité
propres à certains acteurs doivent être prises en compte. Il
conviendrait d’élaborer et d’appliquer des principes
directeurs régissant la protection de toutes les données et
de fournir la formation éventuellement nécessaire. Tous les
organes des Nations unies doivent respecter les principes
fondamentaux de la statistique officielle de l’ONU [11] en
stockant les données.
Couverture
médiatique 3.30 Une couverture médiatique inappropriée
risque de mettre physiquement en danger les enfants et leur
famille et peut leur causer des dommages psychologiques. Les
acteurs travaillant avec les enfants associés à des forces
armées ou à des groupes armés doivent mettre en pratique les
principes directeurs concernant les médias et les
publications [12], et notamment un code de déontologie à
l’intention des journalistes, afin d’offrir des garanties et
d’éviter de faire courir des risques aux enfants, de violer
les normes de confidentialité et de causer d’autres
préjudices aux enfants et à leur famille.
3.31
Les chercheurs, universitaires et toutes autres personnes
chargées d’interroger les enfants associés à des forces
armées ou à des groupes armés ou de travailler avec ces
enfants doivent également respecter impérativement des
normes déontologiques.
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