Ordonnance modifiée n° 45-174 du 2 février 1945
relative à l'enfance délinquante
Texte initial

Le Gouvernement provisoire de la République
Française.
Sur le rapport du garde des Sceaux, ministre de la Justice.
Vu l’Ordonnance du 3 juin 1943, portant institution du
Comité de libéralisation nationale, ensemble les Ordonnances
des 3 et 4 septembre 1944 ;
Le Comité juridique entendu,
Ordonne :
CHAPITRE PREMIER
Dispositions générales
Article 1er
Les mineurs de dix-huit ans auxquels est
imputée une infraction qualifiée crime ou délit ne seront
pas déférés aux juridictions pénales de droit commun, et ne
seront justiciables que des tribunaux pour enfants.
Article 2
Le tribunal pour enfants prononcera, suivant les
cas, les mesures de protection, d’assistance, de
surveillance, d’éducation ou de réforme qui sembleront
appropriées.
Il pourra cependant, lorsque les circonstances et la
personnalité du délinquant lui paraitront l’exiger,
prononcer à l’égard du mineur âgé de plus de treize ans une
condamnation pénale par application des articles 67 et 69 du
code pénal.
Il pourra décider à l’égard des mineurs âgés de plus de
seize ans, et par une disposition spécialement motivée,
qu’il n’y a pas lieu de retenir l’excuse atténuante de
minorité.
Article 3
Sont compétents, sur renvoi, le cas échéant, du
premier tribunal saisi, le tribunal du lieu de l’infraction,
celui de la résidence du mineur ou de ses parents ou tuteur,
celui du lieu où le mineur pourrait être trouvé ou celui du
lieu ou il a été placé. Il pourra notamment y avoir lieu à
dessaisissement lorsque le mineur aura été placé dans un
centre d’observation situé dans le ressort d’un tribunal
autre que le tribunal primitivement saisi.
Article 4
Le garde des Sceaux, ministre de la Justice,
désigne au sein de chaque tribunal de première instance, à
l’exception des tribunaux rattachés, un magistrat qui prend
le nom de juge des enfants. Il est délégué dans ses
fonctions pour trois ans. Il pourra être nommé plusieurs
juges des enfants dans le même tribunal. En cas
d’empêchement du titulaire, il sera désigné un remplaçant
par le président du tribunal de première instance. Un ou
plusieurs juges d’instruction désignés par le premier
président, sur la proposition du procureur général, et un ou
plusieurs magistrats du parquet désignés par le
procureur général seront chargés spécialement des affaires
concernant les mineurs.
Le tribunal pour enfants de la Seine comprend un président
et un vice-président. Un conseiller à la cour d’appel de
Paris pourra être délégué dans les fonctions de président de
tribunal pour enfants de la Seine. Un substitut du procureur
général pourra être chargé du ministère public.
Article 5
Aucune poursuite ne pourra être exercée en matière
de crime contre les mineurs de dix-huit ans sans information
préalable. En cas de délit, le procureur de la République en
saisira soit le juge d’instruction, soit par voie de requête
le juge des enfants et, au tribunal de la Seine, le
président du tribunal pour enfants. En aucun cas, il ne
pourra être suivi contre le mineur par la procédure de
flagrant délit ou par voie de citation directe.
Article 6
L’action civile sera exercée conformément au droit
commun devant le juge des enfants, devant le juge
d’instruction et devant le tribunal pour enfants. Les
personnes civilement responsables seront citées et tenues,
solidairement avec le mineur, des amendes, des restitutions,
des dommages et intérêts plus des frais.
CHAPITRE II
Procédure
Article 7
Lorsque le mineur de dix-huit ans est impliqué
dans la même cause qu’un ou plusieurs inculpés âgés de
dix-huit ans, la poursuite qui le concerne sera disjointe
dans les conditions ci-après.
Si le procureur de la République décide de suivre à l’égard
des adultes par la procédure de flagrant délit ou de
citation directe, il constituera un dossier spécial
concernant le mineur et en saisira soit le juge des enfants
ou le tribunal de la Seine, le président du tribunal pour
enfants, soit le juge d’instruction.
Si le procureur de la République estime qu’il y a lieu à
information à l’égard de tous, la disjonction sera prononcée
dans l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction, dans les
conditions prévues à l’article 9.
Article 8
Le juge des enfants pourra en même temps entendre
le mineur, ses parents, son tuteur, la personne qui en a la
garde et toute personne dont l’audition lui paraîtra utile.
Il recueillera des renseignements par les moyens
d’information ordinaires et par une enquête sociale sur la
situation matérielle et morale de la famille, sur le
caractère et les antécédents de l’enfant, sur sa
fréquentation scolaire, son attitude à l’école, sur les
conditions dans lesquelles celui-ci a vécu et a été élevé et
sur les mesures propres à assurer son relèvement.
L’enquête sociale sera complétée par un examen médical et
médico-psychologique. Toutefois, le juge des enfants pourra,
dans l’intérêt du mineur, n’ordonner aucune des ces mesures
ou ne prescrire que l’une d’entre elles. Dans ce cas, il
rendra une ordonnance motivée.
Ces diligences faites, le juge des enfants classera
l’affaire s’il estime que l’infraction n’est pas établie.
Dans le cas contraire, il pourra :
1° Soit simplement admonester l’enfant ;
2° Soit le remettre à ses parents, à son tuteur, à la
personne qui en avait la garde ou à une personne digne de
confiance en décidant, le cas échéant, selon les
circonstances, qu’il sera placé jusqu’à un âge qui ne pourra
excéder vingt et un ans, sous le régime de la liberté
surveillée ;
3° Soit ordonner le renvoi de l’affaire devant le tribunal
pour enfants ;
4° Soit ordonner le renvoi de l’affaire, s’il y a lieu,
devant le juge d’instruction.
Il pourra avant de prononcer au fond, ordonner la liberté
surveillée à titre provisoire en vue de statuer après une ou
plusieurs périodes d’épreuves dont il fixera la durée.
Le juge des enfants pourra décerner tous mandats utiles dans
les conditions prévues par les articles 94 et suivants du
code d’instruction criminelle et sous la réserve exprimée à
l’article 11.
Les dispositions de la loi du 8 décembre 1897 ne sont pas
applicables à l’enquête du juge des enfants.
Les décisions du juge des enfants ne seront pas inscrites au
casier judiciaire.
Article 9
Le juge d’instruction recherche, en se conformant
aux règles générales du code d’instruction criminelle et de
la loi du 8 décembre 1897, si le mineur est l’auteur de
l’infraction qui lui est reprochée. S’il paraît que le
mineur est l’auteur d’un fait qualifié crime ou délit, il
recueillera tous renseignements utiles conformément aux
dispositions de l’article 5.
Lorsque l’instruction sera achevée, le juge d’instruction,
sur réquisitions du procureur de la République, déclarera,
suivant les circonstances, qu’il n’y a pas lieu de
poursuivre, ou renverra le mineur devant le tribunal pour
enfants, ou, dans le cas prévu à l’article 20 ci-après,
devant la chambre des mises en accusation.
Si celui-ci a des co-auteurs ou complices âgés de dix-huit
ans, ces derniers seront, en cas de poursuites, renvoyés
devant la juridiction compétente suivant le droit commun. La
cause concernant le mineur sera disjointe pour être jugée
par le tribunal pour enfants.
Article 10
Le juge des enfants et le juge d’instruction
préviendront des poursuites les parents, tuteurs ou gardiens
connus. A défaut de choix d’un défenseur par le représentant
légal ou le gardien du mineur, ils désigneront ou feront
désigner par le bâtonnier un défenseur d’office. Si l’enfant
a été adopté comme pupille de la nation ou s’il a droit à
une telle adoption aux termes de la législation en vigueur,
ils en donneront immédiatement avis au président de la
section permanente de l’office départemental des pupilles de
la nation.
Ils pourront charger de l’enquête sociale les services
spécialisés existant auprès des tribunaux pour enfants ou
les personnes titulaires d’un diplôme de service social
habilitées par le tribunal pour enfants.
Le juge des enfants et le juge d’instruction pourront
confier provisoirement le mineur :
1° à ses parents, à son tuteur ou à la personne qui en avait
la garde ainsi qu’à une personne digne de confiance ;
2° à un centre d’accueil ;
3° à une
œuvre privée habilitée ;
4° à l’assistance publique ou à un établissement hospitalier
;
5° à un établissement ou à une institution d’éducation, de
formation professionnelle ou de soins, de l’Etat ou d’une
administration publique, habilités.
S’ils estiment que l’état physique ou mental du mineur exige
une observation, soit médicale, soit médico-psychologique,
ils pourront ordonner son placement provisoire dans un
centre d’observation institué ou agréé par le ministère de
la Justice. La garde provisoire pourra, le cas échéant, être
exercée sous le régime de la liberté surveillée.
La mesure de garde est toujours révocable.
Le ministère public et le mineur pourront interjeter appel
de l’ordonnance du juge des enfants ou du juge d’instruction
concernant les mesures provisoires ci-dessus, conformément à
l’article 24.
Article 11
Le mineur âgé de plus de treize ans ne pourra
être placé provisoirement dans une maison d’arrêt, soit par
le juge des enfants, soit par le juge d’instruction, que si
cette mesure paraît indispensable ou encore s’il est
impossible de prendre toute autre disposition. Dans ce cas,
le mineur sera retenu dans un quartier spécial. Le juge
d’instruction ne pourra prendre une telle mesure à l’égard
d’un mineur de treize ans que par ordonnance motivée et s’il
y a prévention de crime.
CHAPITRE III
Le Tribunal pour enfants
Article 12
Le tribunal pour enfants est composé du juge des
enfants, président, et de deux assesseurs.
Les assesseurs titulaires et suppléants sont nommés pour
trois ans par arrêté du ministre de la Justice. Ils sont
choisis parmi les personnes de l’un ou de l’autre sexe, âgés
de plus de trente ans, de nationalité française, et s’étant
signalées par l’intérêt qu’elles portent aux questions
concernant l’enfance.
Avant leur entrée en fonctions, les assesseurs titulaires et
suppléants prêtent serment devant le tribunal de première
instance de bien et fidèlement remplir leurs fonctions et de
garder religieusement le secret des délibérations.
Article 13
Le tribunal pour enfants saisi sur renvoi soit du
juge d’instruction ou de la chambre des mises en accusation,
s’il y a eu appel, soit du juge des enfants, statuera après
avoir entendu l’enfant, les témoins, les parents, le tuteur
ou le gardien, le ministère public et le défenseur.
Il pourra, si l’intérêt du mineur l’exige, dispenser ce
dernier de comparaître à l’audience. Dans ce cas, le mineur
sera représenté par un avocat, son père, sa mère, son
tuteur. La décision sera réputée contradictoire.
Article 14
Chaque affaire sera jugée séparément en l’absence
de tous autres prévenus. Seuls seront admis à assister aux
débats les témoins de l’affaire, les proches parents du
mineur, les membres du barreau, les représentants des
sociétés de patronage et des services ou institutions
s’occupant des enfants, les délégués à la liberté
surveillée. Le mineur lui-même sera invité à se retirer
après l’interrogatoire et l’audition des témoins.
La publication du compte rendu des débats des tribunaux pour
enfants, dans le livre, la presse, la radiophonie, le
cinématographe, ou de quelque manière que ce soit, est
interdite. Il en est de même de la reproduction de tout
portrait de ces mineurs et de toute illustration les
concernant. Les infractions à ces dispositions seront punies
d’une amende de 500 à 5 000 Francs.
Le jugement sera rendu en audience publique, en la présence
du mineur. Il pourra être publié, mais sans que le nom du
mineur puisse être indiqué autrement que par une initiale.
Article 15
Si la prévention est établie à l’égard du mineur
de treize ans, le tribunal pour enfants prononcera par
décision motivée l’un des mesures suivantes :
1° Remise à ses parents, à son tuteur, à la personne qui en
avait la garde ou à une personne digne de confiance ;
2° Remise à la garde d’une
œuvre privée habilitée ;
3° Placement dans un internat approprié ;
4° Remise à l’assistance publique ;
5° Placement dans un établissement ou une institution
d’éducation, de formation professionnelle ou de soins, dans
un institut médico-pédagogique de l’État ou d’une
administration publique, habilité.
Article 16
Si la prévention est établie à l’égard du mineur
âgé de plus de treize ans, le tribunal pour enfants
prononcera par décision motivée l’une des mesures suivantes
:
1° Remise à ses parents, à son tuteur, à la personne qui en
avait la garde ou à une personne digne de confiance ;
2° Remise à la garde d’une
œuvre privée habilitée ;
3° Placement dans un établissement ou une institution
d’éducation, de formation professionnelle ou de soins, dans
un institut médico-pédagogique de l’État ou d’une
administration publique, habilité.
4° Placement dans une institution publique d’éducation
professionnelle, d’éducation surveillée ou d’éducation
corrective.
Article 17
Dans tous les cas prévus par les articles 15 et 16
ci-dessus, les mesures seront prononcées pour le nombre
d’années que la décision déterminera et qui ne pourra
excéder l’époque ou le mineur aura atteint l’âge de vingt et
un ans.
La remise d’un mineur à l’assistance publique ne sera
possible, si l’enfant est âgé de plus de treize ans, qu’en
vue d’un traitement médical ou encore dans le cas d’un
orphelin ou d’un enfant dont les parents ont été déchus de
la puissance paternelle.
Article 18
Si la prévention est établie à l’égard d’un mineur
âgé de plus de treize ans, celui-ci pourra faire l’objet
d’une condamnation pénale conformément à l’article 2.
Article 19
Dans tous les cas où il ordonnera une mesure de
protection, d’assistance, de surveillance, d’éducation ou de
réforme, le tribunal pourra décider, en outre, selon les
circonstances, que le mineur sera placé jusqu’à un âge qui
ne pourra excéder vingt et un ans sous le régime de la
liberté surveillée.
Il pourra, avant de prononcer au fond, ordonner la liberté
surveillée à titre provisoire en vue de statuer après une ou
plusieurs périodes d’épreuves dont il fixera la durée.
Article 20
Le mineur âgé de plus de seize ans accusé de crime
sera jugé par le tribunal pour enfants qui se réunira au
siège de la cour d’assises, sera complété par le jury, et
sous réserve des dispositions de l’article 14, procédera
conformément aux articles 291 à 380 du code d’instruction
criminelle.
Les pouvoirs attribués au président des assises seront
exercés par le président du tribunal pour enfants, ceux de
la cour par les membres de ce tribunal.
Article 21
Les mineurs de dix huit ans ne seront pas soumis au
droit commun en matière de contravention. Si la
contravention est établie, le juge pourra, soit admonester
le mineur, soit prononcer la peine d’amende prévue par la
loi. Toutefois, les mineurs de treize ans ne pourront faire
l’objet que d’une admonestation.
Article 22
Le juge des enfants et le tribunal pour enfants
pourront, dans tous les cas, ordonner l’exécution provisoire
de leur décision, nonobstant opposition ou appel. Les
décisions prévues à l’article 15 ci-dessus et prononcées par
défaut à l’égard d'un mineur de treize ans, lorsque
l’exécution provisoire en aura été ordonnée, seront ramenées
à exécution à la diligence du procureur de la République,
conformément aux dispositions de l’article 197 du code
d’instruction criminelle. Le mineur sera conduit et retenu
dans un centre d’accueil, ou au dépôt des enfants assistés.
Article 23
Les ordonnances du juge des enfants et les
jugements du tribunal pour enfants sont susceptibles
d’opposition de la part du mineur dans les conditions du
droit commun.
Article 24
Les ordonnances du juge des enfants et les
jugements du tribunal pour enfants sont susceptibles d’appel
de la part du ministère public et du mineur dans les
conditions du droit commun.
Le ministre de la justice désigne au sein de chaque cour
d’appel un conseiller délégué à la protection de l’enfance,
qui est nommé pour trois ans. En cas d’empêchement du
titulaire, il lui sera désigné un remplaçant par le premier
président. L’appel des ordonnances du juge des enfants et
des jugements du tribunal pour enfants sera jugé par la cour
d’appel dans une audience spéciale dans les mêmes conditions
que devant les premiers juges.
Dans les cours d’appel où il existe plusieurs chambres, il
est formé à cette fin une chambre spéciale. Le recours en
cassation n’a pas d’effet suspensif, sauf si une
condamnation pénale est intervenue.
CHAPITRE IV
La liberté surveillée
Article 25
La surveillance des mineurs placés sous le régime
de la liberté surveillée est exercée par des délégués à la
liberté surveillée, choisis parmi les personnes de l’un ou
l’autre sexe, majeures, de nationalité française. Les
délégués sont nommés par le juge des enfants et, au tribunal
de la Seine, par le président du tribunal pour enfants. Dans
chaque affaire, le délégué est désigné, soit immédiatement
par le jugement, soit ultérieurement par ordonnance du juge
des enfants, notamment dans le cas de délégation de
compétence prévue à l’article 31 ci-après. Les frais de
transport des délégués seront payés comme frais de justice
criminelle. Toutefois, les représentants qualifiés des
œuvres privées et des institutions ou services publics,
lorsqu’ils sont désignés comme délégués à la liberté
surveillée à l’égard des mineurs qui leur sont confiés, ne
pourront prétendre de ce chef au remboursement par l'État de
leurs frais de transport.
Le juge des enfants et, au tribunal de la Seine, le
président du tribunal pour enfants pourront désigner, parmi
les délégués à la liberté surveillée du ressort, des
délégués permanents rémunérés qui, en outre leurs fonctions
normales, seront chargés de guider et de coordonner l’action
des délégués. Les délégués permanents devront satisfaire aux
conditions fixées par un arrêté du ministre de la Justice.
Article 26
Dans tous les cas où le régime de la liberté
surveillée sera décidé, le mineur, ses parents, son tuteur,
ou la personne qui en a la garde, seront avertis du
caractère et de l’objet de cette mesure et des obligations
qu’elle comporte. Le délégué à la liberté surveillée fera
rapport au juge des enfants et, au tribunal de la Seine, au
président du tribunal pour enfants, en cas de mauvaise
conduite,
de péril moral du mineur, d’entraves systématiques à
l’exercice de la surveillance, ainsi que dans le cas où une
modification de placement ou de garde lui paraîtra utile.
En cas de décès, de maladie grave, de changement de
résidence ou d’absence non autorisée du mineur, les parents,
tuteur, gardien ou patron devront sans retard en informer le
délégué. Si un incident à la liberté surveillée révèle un
défaut de surveillance caractérisé de la part des parents ou
du tuteur, le juge des enfants ou le tribunal pour enfants
quelle que soit la décision prise à l’égard du mineur,
pourra condamner les parents ou le tuteur à une amende de
500 à 2 000 francs.
Article 27
Les mesures de protection, d’assistance, de
surveillance, d’éducation ou de réforme ordonnées à l’égard
d’un mineur peuvent être révisées à tout moment, sous
réserve des dispositions ci-après :
Lorsqu’une année au moins se sera écoulée depuis l’exécution
d’une décision plaçant le mineur hors de sa famille, les
parents ou le tuteur ou le mineur lui-même, pourront former
une demande de remise ou de restitution de garde en
justifiant de leur aptitude à élever l’enfant et d’un
amendement suffisant de ce dernier. En cas de rejet, la même
demande ne pourra être renouvelée qu’après l’expiration du
délai d’un an.
Article 28
Le juge des enfants et, au tribunal de la Seine,
le président du tribunal pour enfants pourront, soit
d’office, soit à la requête du ministère public, du mineur,
de ses parents, de son tuteur ou de la personne qui en a la
garde, soit sur le rapport du délégué à la liberté
surveillée, statuer sur tous les incidents, instances en
modification de placement ou de garde, demandes de remise de
garde. Ils pourront ordonner toutes mesures de protection ou
de surveillance utiles, rapporter ou modifier les mesures
prises. Le tribunal pour enfants est, le cas échéant,
investi du même droit.
Toutefois le tribunal pour enfants sera seul compétent
lorsqu’il y aura lieu de prendre à l’égard d’un mineur qui
avait été laissé à la garde de ses parents, de son tuteur ou
remis à une personne digne de confiance, une mesure ayant
pour effet la remise de l’enfant à la garde d’une œuvre
privée ou son placement dans un internat approprié, à
l’assistance publique, dans un établissement ou une
institution d’éducation, de formation professionnelle ou de
soins, dans un institut médico-pédagogique de l'État ou
d’une administration publique. Il en sera de même dans tous
les cas où il y aura lieu de décider le placement d’un
mineur dans une institution publique d’éducation
professionnelle, d’éducation surveillée ou d’éducation
corrective.
Article 29
Le juge des enfants et, au tribunal de la Seine, le
président du tribunal pour enfants pourront, s’il y a lieu,
ordonner toutes mesures nécessaires à l’effet de s’assurer
de la personne du mineur. Ils pourront, par ordonnance
motivée, décider que le mineur sera conduit et retenu à la
maison d’arrêt dans
les conditions prévues à l’article 11. Le mineur devra
comparaître dans le plus bref délai devant le juge des
enfants ou devant le tribunal pour enfants.
Article 30
Jusqu’à l’âge de treize ans, le mineur ne peut, sur
incident à la liberté surveillée, être l’objet que d’une des
mesures prévues à l’article 15 ci-dessus. Après l’âge de
treize ans, il peut, le cas échéant, selon les
circonstances, être l’objet d’une des mesures prévues aux
articles 15 et 16 ci-dessus.
Article 31
Sont compétents pour statuer sur tous incidents,
instances modificatives de placement ou de garde, demandes
de remise de garde :
1° Le juge des enfants ou le tribunal pour enfants ayant
primitivement statué. Dans le cas où il s’agit d’une
juridiction n’ayant pas un caractère permanent ou lorsque la
décision initiale émane d’une cour d’appel, la compétence
appartiendra au juge des enfants ou au tribunal pour enfants
du domicile des parents ou de la résidence actuelle du
mineur ;
2° Sur délégation de compétence, accordée par le juge des
enfants ou par le tribunal ayant primitivement statué, le
juge des enfants ou le tribunal pour enfants du domicile des
parents, de la personne, de l’oeuvre, de l’établissement ou
de l’institution à qui le mineur a été confié par décision
de justice ainsi que le juge des enfants ou le tribunal pour
enfants de l’arrondissement judiciaire où le mineur se
trouvera, en fait, placé ou arrêté. Si l’affaire requiert
célérité, toutes mesures provisoires pourront être ordonnées
par le juge des enfants de l’arrondissement où le mineur se
trouvera placé ou arrêté.
Article 32
Les dispositions des articles 22, 23 et 24 sont
applicables aux décisions rendues sur incident à la liberté
surveillée, instances modificatives de placement ou de
garde, demandes de remise de garde.
CHAPITRE V
Dispositions diverses
Article 33
L’article 68 du code pénal est abrogé. Les articles
66, 67 et 68 dudit code sont modifiés comme suit :
« Art. 66 – Lorsque le prévenu ou l’accusé aura plus de
treize ans et moins de dix-huit ans et sauf s’il est
prononcé à son égard une condamnation pénale par application
des articles 67 et 69 du présent code, il sera, selon les
circonstances, ou simplement admonesté ou remis à ses
parents, à son tuteur ou à la personne qui en avait la garde
ou à une personne digne de confiance, remis à la garde d’une
œuvre privée ou placé dans un établissement ou dans une
institution d’éducation, de formation professionnelle ou de
soins, dans un institut médico-pédagogique, de l’État ou
d’une administration publique, dans une institution
d’éducation professionnelle, d’éducation surveillée ou
d’éducation corrective, pour y être élevé et gardé pendant
le nombre d’années que le jugement déterminera et qui,
toutefois, ne pourra excéder l’époque où il aura atteint
l’âge de vingt et un ans.
Dans tous les cas, il pourra être décidé, en outre, que le
mineur sera placé jusqu’à un âge qui ne pourra excéder vingt
et un ans sous le régime de la liberté surveillée.
« Les recours contre les décisions ordonnant le placement
d’un mineur ou son renvoi dans une institution publique
d’éducation professionnelle, d’éducation surveillée ou
d’éducation corrective sont suspensifs, sauf exécution
provisoire expressément ordonnée. Le pourvoi en cassation
n’a pas d’effet suspensif.
« Lorsque le mineur aura été placé hors de sa famille, la
décision pourra être modifiée ou rapportée, même d’office.
Toutefois, les parents et le mineur ne pourront former une
demande de remise ou de restitution de garde que si une
année au moins s’est écoulée depuis l’exécution de la
décision. En cas de rejet, la demande ne pourra être
renouvelée qu’après l’expiration du délai d’un an.
« Art.67. – Si, en raison des circonstances et de la
personnalité du délinquant, il est décidé qu’un mineur âgé
de plus de treize ans doit faire l’objet d’une condamnation
pénale, les peines seront prononcées ainsi qu’il suit, sous
réserve, le cas échéant, de la possibilité d’écarter
l’excuse atténuante de minorité à l’égard d’un mineur âgé de
plus de seize ans.
« S’il a encouru la peine des travaux forcés à perpétuité,
de la déportation, il sera condamné à une peine de dix à
vingt ans d’emprisonnement.
« S’il a encouru la peine des travaux forcés à temps, de la
détention ou de la réclusion, il sera condamné à
l’emprisonnement pour un temps égal à la moitié au plus de
celui pour lequel il aurait pu être condamné à l’une de ces
peines.
« Il pourra, en outre, lui être fait défense de paraître
pendant cinq ans au moins et dix ans au plus dans les lieux
dont l’interdiction lui sera signifiée par le Gouvernement.
« S’il a encouru la peine de la dégradation civique, ou du
bannissement il sera condamné à l’emprisonnement pour deux
ans au plus.
« Art.69. – Si l’infraction commise par un mineur âgé de
plus de treize ans est un simple délit, la peine qui pourra
être prononcée contre lui dans les conditions de l’article
67 ne pourra, sous la même réserve, s’élever au-dessus de la
moitié de celle à laquelle il aurait été condamné s’il avait
eu dix-huit ans ».
Art.34 – L’article 341 du code d’instruction criminelle, est
modifié de la manière suivante :
« Si l’accusé a moins de dix-huit ans, le président posera à
peine de nullité, les deux questions suivantes :
« 1° Y a-t-il lieu d’appliquer à l’accusé une condamnation
pénale ?
« 2° Y a-t-il lieu d’exclure l’accusé du bénéfice de
l’excuse atténuante de minorité ?
ART 35 – L’alinéa 5 de l’article 4 de la loi du 5 août 1899,
modifié par la loi du 11 juillet 1900 sur le casier
judiciaire et la réhabilitation de droit, est abrogé et
remplacé par les dispositions suivantes :
« Toutefois, la mention des décisions prononcées en vertu de
l’article 66 du code pénal n’est faite que sur les bulletins
délivrés aux seuls magistrats, à l’exclusion de toute autre
autorité ou administration publique ».
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