Décret
n°2011-904 du 29 juillet 2011
relatif à la procédure applicable
devant le défenseur des droits
NOR :
JUSC1113861D
(Texte intégral)

Publics concernés :
Grand public, associations, administrations, avocats,
greffes et magistrats des juridictions administratives et
judiciaires.
Objet :
Encadrement de la procédure applicable devant le Défenseur
des droits.
Entrée en vigueur :
Le lendemain de la publication.
Notice :
le Défenseur des droits est doté des compétences et des
pouvoirs antérieurement détenus par le Médiateur de la
République, la Haute Autorité de lutte contre les
discriminations et pour l'égalité, la Commission nationale
de déontologie de la sécurité et le Défenseur des enfants.
Le décret définit les modalités de saisine de cette nouvelle
autorité constitutionnelle.
Il précise également les règles applicables aux
vérifications sur place opérées par le Défenseur des droits
dans des locaux publics comme privés. Le décret fixe
notamment les conditions dans lesquelles le juge des
libertés et de la détention du tribunal de grande instance
statue sur l'autorisation de visite ou de vérification sur
place.
Le décret comporte également une disposition conciliant les
pouvoirs d'enquête du Défenseur des droits avec les
procédures judiciaires en cours en imposant au Défenseur des
droits de solliciter l'accord écrit des autorités
judiciaires lorsqu'il intervient dans une affaire en cours.
En outre, le décret fixe les règles applicables aux
recommandations et injonctions adressées par le Défenseur
des droits ainsi que celles relatives à l'établissement et à
la publication du rapport spécial.
Références :
le décret est pris en application de la
loi
organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 (voir)
relative au Défenseur des droits, elle-même issue de
l'article 71-1 de la Constitution introduit par la révision
constitutionnelle du 23 juillet 2008 (voir).
Le Premier ministre,
Sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice
et des libertés,
Vu la Constitution, notamment son article 71-1 ;
Vu la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au
Défenseur des droits ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code de procédure civile ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 2011-334 du 29 mars 2011 relative au Défenseur
des droits ;
Le Conseil d'Etat (section de l'intérieur) entendu,
Décrète :
TITRE Ier : SAISINE
DU DÉFENSEUR DES DROITS ET EXAMEN DES RÉCLAMATIONS
Article 1
Toute personne physique ou morale qui saisit le Défenseur
des droits indique par écrit, en apportant toutes précisions
utiles, les faits qu'elle invoque au soutien de sa
réclamation.
Toute association qui saisit le Défenseur des droits sur le
fondement du 2° ou du 3° de l'article 5 de la loi organique
du 29 mars 2011 susvisée lui adresse une copie de ses
statuts.
L'auteur d'une réclamation présentée au titre du 1° de
l'article 4 de la loi organique susvisée produit tous
éléments de nature à justifier des démarches qu'il a
préalablement accomplies auprès des personnes publiques ou
des organismes mis en cause.
Article 2
Lorsque le Défenseur des droits n'est pas saisi par la
personne dont les droits et libertés sont en cause, ou qu'il
se saisit d'office, il informe cette personne ou, le cas
échéant, ses ayants droit, par tout moyen.
En l'absence d'accord explicite de la personne ainsi
informée, le Défenseur des droits ne peut faire usage des
moyens d'information ni des pouvoirs dont il dispose avant
l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de
l'information mentionnée à l'alinéa précédent.
La personne informée dans les conditions prévues au premier
alinéa peut, à tout moment, s'opposer à l'intervention du
Défenseur des droits. Celui-ci est alors tenu d'y mettre
fin.
Le présent article ne s'applique pas aux cas prévus à la
dernière phrase de l'article 8 de la loi organique du 29
mars 2011 susvisée.
TITRE II : MISE EN
DEMEURE
Article 3
I. ―
La mise en demeure prévue à l'article 21 de la loi organique
du 29 mars 2011 susvisée est adressée par lettre recommandée
avec demande d'avis de réception.
Lorsque la mise en demeure n'est pas suivie d'effet, le
Défenseur des droits peut saisir le juge des référés
compétent, conformément aux dispositions des articles 484 et
suivants du code de procédure civile et aux dispositions de
l'article R. 557-1 du code de justice administrative.
II. ―
Le titre V du livre V du code de
justice administrative (partie règlementaire) est complété
par un chapitre VII ainsi rédigé :
« Chapitre VII. ― Le référé sur saisine du Défenseur des
droits.
« Art. R. 557-1. - Lorsque le juge administratif est saisi
par le Défenseur des droits, sur le fondement de l'article
21 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur
des droits, d'une demande en référé tendant au prononcé de
toute mesure utile à l'exercice de la mission du Défenseur
des droits, il est statué suivant la procédure de référé
prévue à l'article L. 521-3. »
TITRE III :
VÉRIFICATIONS SUR PLACE
Chapitre Ier : Dispositions
communes
Article 4
Lorsque, en application de l'article 22 de la loi organique
du 29 mars 2011 susvisée, le Défenseur des droits procède à
un contrôle sur place, il informe le responsable des lieux
ou son représentant de l'objet des vérifications qu'il
compte entreprendre ainsi que de l'identité et de la qualité
des personnes chargées du contrôle.
Lors de leurs vérifications, les personnes chargées du
contrôle présentent en réponse à toute demande en ce sens
leur ordre de mission et, le cas échéant, leur habilitation
à procéder aux contrôles.
Article 5
Les missions de contrôle sur place font l'objet d'un
procès-verbal.
Le procès-verbal énonce la nature, le jour, l'heure et le
lieu des vérifications ou des contrôles effectués. Il
indique également l'objet de la mission, les membres de
celle-ci présents, les personnes rencontrées, le cas
échéant, leurs déclarations, les demandes formulées par les
membres de la mission ainsi que les éventuelles difficultés
rencontrées. L'inventaire des pièces et documents dont les
personnes chargées du contrôle ont pris copie est annexé au
procès-verbal.
Lorsque la visite n'a pu se dérouler, le procès-verbal
mentionne les motifs qui ont empêché ou entravé son
déroulement, ainsi que, le cas échéant, les motifs de
l'opposition du responsable des lieux.
Le procès-verbal est signé par les personnes chargées du
contrôle qui y ont procédé et par le responsable des lieux
ou par toute personne désignée par celui-ci. En cas de refus
ou d'absence de signature, mention en est portée au
procès-verbal.
Le procès-verbal est notifié au responsable des lieux par
lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
Lorsque la visite a lieu avec l'autorisation et sous le
contrôle du juge, copie du procès-verbal de la visite lui
est adressée par le Défenseur des droits.
Chapitre II :
Dispositions applicables aux vérifications sur place dans
des locaux privés
Article 6
Le Défenseur des droits informe le responsable des lieux de
son droit d'opposition à la vérification sur place au plus
tard à son arrivée sur les lieux.
Article 7
Lorsque le responsable des lieux exerce son droit
d'opposition et que le Défenseur des droits saisit le juge
des libertés et de la détention sur le fondement du III de
l'article 22 de la loi organique du 29 mars 2011 susvisée
afin que celui-ci autorise les vérifications sur place, le
juge statue dans les quarante-huit heures.
L'ordonnance autorisant les vérifications sur place comporte
l'adresse des lieux à visiter, le nom et la qualité du ou
des agents habilités à procéder aux opérations de visite et
de contrôle ainsi que les heures auxquelles ils sont
autorisés à se présenter.
L'ordonnance, exécutoire au seul vu de la minute, est
notifiée sur place, au moment de la visite, au responsable
des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie
intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal de
visite.
L'acte de notification comporte mention des voies et délais
de recours contre l'ordonnance ayant autorisé la visite et
contre le déroulement des opérations de visite. Il mentionne
également que le juge ayant autorisé la visite peut être
saisi d'une demande de suspension ou d'arrêt de cette
visite.
En l'absence du responsable des lieux ou de son
représentant, l'ordonnance est notifiée, après la visite,
par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A
défaut de réception de la lettre recommandée, il est procédé
à la signification de l'ordonnance par acte d'huissier de
justice.
Le juge des libertés et de la détention peut, s'il l'estime
utile, se rendre dans les locaux pendant l'intervention. A
tout moment, il peut décider la suspension ou l'arrêt de la
visite. La saisine du juge des libertés et de la détention
aux fins de suspension ou d'arrêt des opérations de visite
et de vérifications n'a pas d'effet suspensif.
Article 8
L'ordonnance autorisant la visite peut faire l'objet d'un
appel devant le premier président de la cour d'appel suivant
les règles prévues par les articles 931 et suivants du code
de procédure civile.
Cet appel est formé par déclaration remise ou adressée par
lettre recommandée avec demande d'avis de réception au
greffe de la cour dans un délai de quinze jours à compter de
la notification de l'ordonnance. Cet appel n'est pas
suspensif.
Le greffe du tribunal de grande instance transmet sans délai
le dossier de l'affaire au greffe de la cour d'appel où les
parties peuvent le consulter.
L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est
susceptible d'un pourvoi en cassation selon les règles
prévues par les articles 974 et suivants du code de
procédure civile.
Article 9
Le premier président de la cour d'appel connaît des recours
contre le déroulement des opérations de visite autorisées
par le juge des libertés et de la détention.
Le recours est formé par déclaration remise ou adressée par
lettre recommandée avec demande d'avis de réception au
greffe de la cour dans un délai de quinze jours à compter de
la notification du procès-verbal de la visite. Ce recours
n'est pas suspensif.
L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est
susceptible d'un pourvoi en cassation selon les règles
prévues par les articles 974 et suivants du code de
procédure civile. Le délai du pourvoi en cassation est de
quinze jours.
Chapitre III : Dispositions
applicables aux vérifications sur place dans des locaux
administratifs des personnes publiques
Article 10
Le chapitre VII du titre V du livre V du code de justice
administrative (partie règlementaire) est complété par un
article R. 557-2 ainsi rédigé :
« Art. R. 557-2. - Lorsque le juge administratif est saisi
par le Défenseur des droits, sur le fondement de l'article
22 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur
des droits, d'une demande en référé tendant à ce qu'il
autorise son accès à des locaux administratifs, il est
statué suivant la procédure de référé prévue à l'article L.
521-3. Le juge se prononce dans les quarante-huit heures.
Lorsqu'il a autorisé la visite, le juge peut, s'il l'estime
utile, se rendre dans les locaux pendant l'intervention.
A tout moment, il peut décider la suspension ou l'arrêt de
la visite. »
TITRE IV :
HABILITATIONS À PROCÉDER AUX VÉRIFICATIONS SUR PLACE ET À
CONSTATER LES DÉLITS DE DISCRIMINATION
Article 11
Pour autoriser un de ses délégués ou agents à procéder à des
vérifications sur place, le Défenseur des droits adresse au
procureur général près la cour d'appel du domicile de
l'intéressé une demande d'habilitation comportant les nom,
prénoms, date et lieu de naissance, nationalité, profession,
domicile de la personne en cause. Le procureur général,
après avoir procédé à toutes les diligences qu'il juge
utiles, notifie au Défenseur des droits la décision
d'habilitation, dont la durée ne peut excéder six ans. La
décision refusant l'habilitation doit être motivée.
Pour l'habilitation des agents à constater les délits de
discrimination par procès-verbal, la procédure décrite au
premier alinéa s'effectue auprès du procureur de la
République près le tribunal de grande instance du domicile
de l'intéressé.
Nul ne peut être habilité s'il a fait l'objet d'une
condamnation, incapacité ou déchéance mentionnée au bulletin
n° 2 du casier judiciaire.
L'habilitation peut être retirée en cas de manquement grave
de l'agent ou du délégué à ses devoirs dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice de ses fonctions.
Lorsque le procureur général ou le procureur de la
République envisage le retrait de l'habilitation, il doit
convoquer l'intéressé quinze jours au moins avant la date de
l'audition par lettre recommandée avec avis de réception
indiquant les motifs pour lesquels il envisage ce retrait.
L'agent peut prendre connaissance du dossier relatif aux
faits qui lui sont reprochés. Lors de l'audition, il peut
être assisté par toute personne de son choix.
La décision du procureur général ou du procureur de la
République est notifiée à l'intéressé et au Défenseur des
droits par lettre recommandée avec avis de réception. Elle
peut faire l'objet d'un recours devant la cour d'appel.
Article 12
Les agents habilités à constater les infractions pénales
mentionnées au II de l'article 28 de la loi organique du 29
mars 2011 susvisée prêtent, devant le tribunal de grande
instance dans le ressort duquel ils sont domiciliés, le
serment suivant :
« Je jure de remplir mes fonctions avec rigueur, loyauté,
impartialité et dignité et de respecter le secret
professionnel. »
TITRE V :
CONCILIATION DES POUVOIRS D'ENQUÊTE DU DÉFENSEUR DES DROITS
AVEC LES PROCÉDURES JUDICIAIRES EN COURS
Article 13
Dans les cas prévus par l'article 23 de la loi organique du
29 mars 2011 susvisée, le Défenseur des droits recueille
l'accord préalable écrit de l'autorité judiciaire
compétente.
TITRE VI :
RECOMMANDATION, INJONCTION ET RAPPORT SPÉCIAL
Article 14
Le Défenseur des droits adresse les recommandations et
injonctions prévues à l'article 25 de la loi organique
susvisée par lettre recommandée avec demande d'avis de
réception, en indiquant le délai dans lequel les personnes
intéressées sont tenues de justifier des suites données à
ses recommandations ou à ses injonctions. Ce délai court à
compter du jour de la réception de la lettre recommandée.
Article 15
Lorsqu'il établit un rapport spécial, le Défenseur des
droits le communique aux personnes mises en cause et les
invite à produire leurs observations dans un délai qui, sauf
urgence, ne peut être inférieur à un mois avant de le rendre
public.
TITRE VII : SAISINE
DE L'AUTORITÉ COMPÉTENTE POUR ENGAGER DES POURSUITES
DISCIPLINAIRES
Article 16
Le Défenseur des droits saisit l'autorité investie du
pouvoir d'engager les poursuites disciplinaires, sur le
fondement de l'article 29 de la loi organique du 29 mars
2011 susvisée, par lettre recommandée avec demande d'avis de
réception. L'autorité compétente en informe la personne mise
en cause.
La lettre mentionnée au premier alinéa indique le délai dans
lequel l'autorité compétente est tenue de justifier des
suites données à sa saisine. Ce délai court à compter de la
réception de la lettre.
Article 17
Lorsqu'il établit un rapport spécial sur le fondement de
l'avant-dernier alinéa de l'article 29 de la loi organique
du 29 mars 2011 susvisée, le Défenseur des droits le
communique à l'autorité visée à l'article 16 du présent
décret, ainsi qu'à la personne mise en cause, par lettre
recommandée avec demande d'avis de réception, et les invite
à produire leurs observations dans un délai qui, sauf
urgence, ne peut être inférieur à un mois avant de le rendre
public.
TITRE VIII :
TRANSACTION PÉNALE
Article 18
I. ―
L'article D. 1-1 du code de procédure pénale est ainsi
modifié :
I. ―
Les deux premiers alinéas sont
remplacés par un alinéa ainsi rédigé : « Les modalités
d'application des II à IV de l'article 28 de la loi
organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur
des droits sont précisées par le présent article.»
II. ―
Aux troisième et onzième alinéas, les mots : « de la haute
autorité » sont remplacés par les mots : « du Défenseur des
droits ».
III. ―
Au sixième alinéa, les mots : « en application des articles
11-1 et 11-2 de la loi du 30 décembre 2004 » sont supprimés.
IV. ―
Au neuvième alinéa, les mots : «
prévues à l'article 11-2 de la loi précitée » sont
supprimés.
V. ―
Aux treizième et seizième alinéas, les mots : « à la haute
autorité » sont remplacés par les mots : « au Défenseur des
droits ».
VI. ―
Aux quatorzième, quinzième, dix-huitième, dix-neuvième et
vingt et unième alinéas, les mots : « la haute autorité »
sont remplacés par les mots : « le Défenseur des droits ».
VII. ―
Au dix-septième alinéa, les mots : « de l'article 11-2 de la
loi précitée » sont remplacés par les mots : « du III de
l'article 28 de la loi organique du 30 mars 2011 susvisée ».
II. ―
L'article D. 1-1 du code de procédure
pénale peut être modifié par décret simple.
TITRE IX :
CONSULTATION DU CONSEIL D'ÉTAT
Article 19
A l'article R. 123-3-1 du code de justice administrative,
après les mots : « proposition de loi », sont insérés les
mots : « ou d'une demande d'avis présentée par le Défenseur
des droits ».
Article 20
Après l'article R. 123-24-1 du même code, il est inséré un
article R. 123-24-2 ainsi rédigé :
« Art. R. 123-24-2. - Le Défenseur des droits et les agents
qu'il désigne peuvent participer avec voix consultative aux
séances au cours desquelles est examinée une demande d'avis
qu'il a adressée au Conseil d'Etat. »
TITRE X :
DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES
Article 21
Les habilitations des personnes physiques délivrées avant
l'entrée en vigueur du présent décret demeurent valables
pendant un délai de six mois à compter de sa publication et
tiennent lieu de l'habilitation prévue à l'article 37 de la
loi organique du 29 mars 2011 susvisée pour opérer les
vérifications sur place prévues par l'article 22 de cette
loi au titre des missions définies au 3° de son article 4.
Article 22
Le présent décret est applicable sur l'ensemble du
territoire de la République.
Article 23
Le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés,
est chargé de l'exécution du présent décret, qui sera publié
au Journal officiel de la République française.
Fait le 29 juillet 2011.
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